« Saïd Oujibou, le pasteur qui veut rendre visibles
les musulmans convertis au christianisme. »
Saïd Oujibou raconte
Article Le Point.fr
C'est un chiffre qu'aucune Église ne souhaite donner, de crainte d'allumer des conflits. Chaque année, en France, dans la plus grande discrétion, plusieurs centaines de musulmans se convertissent au christianisme. En général, ils se tournent davantage vers le protestantisme qu'en direction de l'Église catholique. Saïd Oujibou ne fait pas mystère de sa conversion, et pour cause, il est devenu pasteur évangéliste, consultant en violence urbaine. Il organise même à Paris des conférences réunissant des chrétiens de culture nord-africaine et du Moyen-Orient. « Pourquoi ne raconte-t-on pas qu'en arrivant en Europe certains réfugiés syriens ou irakiens, qui ont vu les horreurs commises par Daech, renoncent à Allah pour Jésus ? » lâche ce Berbère de 48 ans.
Saïd Oujibou est né au bled, dans le sud du Maroc. En 1972, il arrive en France avec sa famille. « C'est vrai que je suis passé par l'islam radical. Si j'avais eu les connexions nécessaires, comme les jeunes musulmans aujourd'hui, je serais parti me battre en Afghanistan pour défendre mes frères musulmans. Face à l'Occident, et ses perpétuelles révolutions technologiques, nous sommes quelque part aigris de venir de pays qui ne décollent pas économiquement, et restent sous le joug de tyrans », lâche le pasteur, que nous avions déjà rencontré lors d'un one-man-show autobiographique intitulé Liberté, égalité, couscous.
« L'apostasie peut entraîner la mort »
Il a été indirectement touché par les attentats du 13 novembre dernier : un parent éloigné, le frère du mari d'une de ses nièces, Ismaël Omar Mostefaï, était l'un des terroristes du Bataclan. « Je ne le fréquentais pas, mais je le connaissais. Moi, comme le reste de ma famille, nous n'avons rien vu venir. Pourtant, je travaille sur un programme de déradicalisation. Ma nièce et son mari ont été interrogés pendant trois jours après les attentats », raconte le pasteur évangéliste, qui a l'habitude de travailler en terrain miné. « Le gamin qui compte rejoindre Daech, il prend la précaution de posséder deux portables, deux comptes Facebook, deux mails. Apparemment, il ne change pas ses habitudes. Résultat, ses parents ne se doutent absolument de rien. J'ai même vu des filles venant de milieux chrétiens se radicaliser en moins de trois mois. La France ne se rend pas encore compte de l'incroyable pouvoir d'attractivité de l'État islamique », constate Saïd Oujibou, appelé régulièrement par des familles, des maires, des associations de quartiers.
Il faut rappeler que l'islam n'admet pas le changement de religion. Hani Ramadan, le directeur du Centre islamique de Genève, frère aîné de Tariq Ramadan et surtout fils de Saïd Ramadan, le premier dirigeant des Frères musulmans en Europe, expliquait dans Le Matin dimanche de Lausanne que « la loi islamique est extrêmement sévère sur la question de l'apostasie, qui peut entraîner la mort », ajoutant : « Dans le monde musulman, délaisser la prière, boire et forniquer sont des crimes pour lesquels la loi a prévu des châtiments. » Résultat : les anciens musulmans préfèrent dissimuler leur foi. En revanche, Saïd Oujibou assure qu'aujourd'hui il parvient à dialoguer avec les dirigeants du Conseil français du culte musulman (CFCM) et même avec l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), proche des Frères musulmans.
Des imams devenus chrétiens
« À la fin du mois de janvier, j'ai même prévu une rencontre avec des salafistes, l'un des courants les plus rigoristes et prosélytes de l'islam. Comme le Christ, il faut se confronter aux radicaux. Quelles propositions font-ils ? Si l'islam était vraiment la solution, comme le prétendent les Frères musulmans, je redeviendrais musulman ! On a vu le résultat de leur gestion en Tunisie et en Égypte », lâche le pasteur d'origine marocaine. D'où tient-il son optimisme ? Saïd Oujibou assure qu'il a même vu les imams se convertir au christianisme. Le seul problème, c'est que les nouveaux chrétiens n'osent pas révéler leur foi, même dans leurs familles, de peur de représailles.
Lors d'une précédente rencontre, le pasteur nous avait confié que c'était d'abord sa sœur aînée qui s'était convertie au christianisme. « Ma famille ne le supportait pas et la rouait de coups. Malgré cela, Fatima restait sereine. Sa joie de vivre m'a interpellé et je me suis converti à mon tour à 21 ans. » Saïd Oujibou a ensuite suivi des cours de théologie pour enfin devenir pasteur. « Un jeune déradicalisé doit être soutenu très longtemps. Ses anciens amis ne cessent de le harceler. Il reçoit 15 à 20 mails de leur part chaque jour », ajoute-t-il...
Saïd Oujibou
Article Le Monde.fr
Saïd Oujibou, le pasteur qui veut rendre visibles les musulmans convertis au christianisme
C'est un peu le combat d'une vie. Saïd Oujibou, 44 ans, se démène depuis des années pour donner de la visibilité et de l'assurance aux musulmans convertis au christianisme. La Conférence européenne des chrétiens de culture nord-africaine et du Moyen-Orient qu'il organise à Paris du 26 au 28 mai, la deuxième du genre, participe de ce militantisme assumé.
Ce pasteur évangélique, franco-marocain musulman, passé par l'islam radical et converti au protestantisme il y a vingt ans, entend sortir « de leur isolement les néochrétiens venus de l'islam ». « Ils sont de plus en plus nombreux, assure-t-il, sans donner de chiffres, mais sont souvent rejetés, voire menacés, par leur milieu ou leur famille lors de leur conversion. » En France, seule l'Eglise catholique tient un compte précis du nombre de baptêmes de musulmans, évalués à quelque 150 par an. Le protestantisme évangélique, dont de nombreuses Eglises côtoient l'islam sur le terrain, propose un processus de conversion moins long et moins contraignant; sont régulièrement évoquées « plusieurs centaines de convertis » par an.
CÔTÉ MUSULMAN, LE PHÉNOMÈNE DES CONVERSIONS EST MINIMISÉ
« Ces journées de rencontres visent aussi à fortifier ces chrétiens dans leur foi, tout en leur offrant un environnement sémite et oriental, car l'objectif des convertis n'est pas de renier leur culture », précise encore M.Oujibou. Leur défi, estime même le pasteur, est de « ne pas stigmatiser l'islam ».
Une gageure, alors que tous dénoncent la sévérité de l'islam envers les apostats: « On accepte que des Français de culture chrétienne se convertissent à l'islam; il faut que l'islam accepte l'inverse et entreprenne sa réforme sur ce sujet ». Le pasteur « attend toujours » des déclarations claires des institutions musulmanes sur ce sujet, même si « en vingt ans, malgré le durcissement de l'islam, on constate des progrès de certains imams et théologiens en ce sens ».
Côté musulman, le phénomène des conversions est volontiers minimisé et suscite un certain malaise. Mais Mohammed Moussaoui, président du Conseil français du culte musulman (CFCM), qui à plusieurs reprises a été en contact avec M.Oujibou, l'affirme: « J'ai toujours dit que changer de religion relevait de la liberté individuelle, même si en islam l'apostasie demeure un péché. » Et, ajoute-t-il, « seul Dieu est juge, et les musulmans n'ont pas à reprocher quoi que ce soit à ceux qui font ce choix ».
« NE PAS RESTER DANS UN GHETTO CHRÉTIEN »
« Il y a une évolution par rapport à ce sujet, assure aussi un autre responsable religieux, qui préfère conserver l'anonymat. Car même dans les pays d’origine, on voit des temples se construire. Mais si se convertir est un droit, il ne faut pas s'attendre à ce que les imams aillent jusqu'à dire qu'ils sont d'accord! C'est pareil dans toutes les religions ! » Dans les milieux évangéliques, portés par un fort prosélytisme, l'islam est parfois vécu comme une religion concurrente et le dialogue interreligieux est loin d'être une priorité.
« Il faut bâtir un avenir commun avec les musulmans, ne pas rester dans un ghetto chrétien, plaide pourtant M.Oujibou. On peut dénoncer des choses mais avec tact, amour et intelligence ». Ce pasteur itinérant, qui se qualifie aussi de « consultant en violence urbaine » et présente depuis plusieurs années un one-man-show sur son parcours et sa foi, anime également une émission hebdomadaire sur le site Macasbah.net, dans laquelle il donne la parole à des « témoins qui ont rencontré Jésus », à des artistes chrétiens. Dans un esprit missionnaire, toutes ses activités sont prétextes à toucher le public le plus large, y compris des musulmans. « Je débats même avec des salafistes », l'un des courants les plus rigoristes et prosélytes de l'islam, sourit-il.
Durant le week-end, une table ronde, proposée par l'Organisation franco-égyptienne pour les droits de l'homme, devait être l'occasion pour des responsables musulmans égyptiens et français d'aborder le thème de la liberté religieuse avec des pasteurs maghrébins et des hommes politiques français engagés dans la défense des chrétiens d'Orient. Le sort de ces populations, déstabilisées par les suites politiques des "printemps arabes" et, dans certains pays, soumis à un exil récurrent, constitue une préoccupation pour l'ensemble des Eglises chrétiennes.
Stéphanie Le Bars
« Que votre cœur ne se trouble point. Croyez en Dieu, et croyez en moi.
Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix.
Je ne vous donne pas comme le monde donne.
Que votre cœur ne se trouble point, et ne s'alarme point ».
Évangile de Jean chapitre 14 et versets 1 et 27